La survie de l'usine Continental de Clairoix (Oise) doit se jouer dans les prochains jours. Depuis que les syndicats, puis le directeur de l'usine, ont évoqué une fermeture du site, les douze cents salariés sont inquiets.
Mais les problèmes de l'usine sont autant le fruit de la crise du secteur que des décisions aventuristes d'un groupe familial. Il y a un an, les salariés de l'usine avaient déjà dû accepter un retour aux quarante heures hebdomadaires en échange de 92 euros d'augmentation. Un retour en arrière qui devait permettre d'écarter un plan social menaçant l'usine depuis dix-huit mois. Des investissements pour pérenniser le site étaient aussi dans la balance. Aujourd'hui, l'avenir se joue plus en Allemagne que dans l'Oise.
D'abord, l'ensemble du secteur automobile est en difficulté. "Étant donné les difficultés précédentes de l'usine et la crise structurelle du secteur, il est compréhensible que les unités les moins productives souffrent", fait remarquer Sylvain Barde, économiste à l'OFCE.
Continental est le premier employeur privé de la région de Compiègne.
Les faits Le site de Continental à Clairoix, dans l'Oise, est menacé de fermeture
Edition abonnés Archive : Continental, une bien mauvaise affaire pour les Schaeffler
En plus de la conjoncture difficile, il y a la stratégie du groupe allemand qui a acheté Continental et ses douze usines françaises en août 2008 : Schaeffler Gruppe. Exemple type du capitalisme familial allemand, Schaeffler était, jusqu'à la fin des années 1990, une entreprise relativement discrète appartenant à une seule famille, prospère grâce aux inventions de ses fondateurs. Un changement de direction radical intervient en 1996 à la mort du fondateur, Georg Schaeffler et à l'arrivée aux commandes de sa femme Maria-Elisabeth, de vingt-quatre ans sa cadette.
RACHAT AU PRIX FORT
Elle lance rapidement le groupe dans une série d'acquisitions dans des secteurs proches de l'automobile. Continental était la dernière en date, et la plus flamboyante. Mais alors que la crise économique s'annonçait, le rachat au prix fort (11,2 milliards d'euros) de cette entreprise trois fois plus grosse que la sienne plombe les comptes de Schaeffler Gruppe, qui accuse une dette de 22 milliards d'euros. Aujourd'hui, le groupe ne peut plus financer le rachat de Continental et demande des aides gouvernementales.
L'image de Maria-Elisabeth Schaeffler est également controversée. Le rachat de Continental, issu d'un montage financier complexe, avait mis au devant de la scène cette femme de 67 ans, classée 104e (avec son fils Georg) au tableau des fortunes du magazine Forbes.
Pour effacer l'image de celle qui collectionne les jetons de présence (une demi-douzaine, du conseil d'administration de la chambre de commerce d'Allemagne au conseil consultatif du philharmonique de Bavière), elle a récemment troqué son manteau de fourrure contre un foulard aux couleurs d'IG-Metall, le principal syndicat allemand. Mi-février, elle avait participé à la première manifestation de sa vie avec ses propres salariés pour demander l'aide de l'État. Elle avait même laissé couler quelques larmes. "Les biens de la famille sont dans l'entreprise", avait déclaré son fils.
Pas suffisant pour émouvoir les banquiers allemands, qui mettent le groupe sous pression. Marie-Elisabeth Schaeffler a négocié le 23 février un accord avec IG-Metall pour sauvegarder les emplois du groupe (deux cent vingt mille dont ceux de Continental). Mais surtout, le groupe chercherait à faire entrer un nouvel investisseur dans sa branche pneumatique à hauteur de 4 à 5 milliards d'euros, voire à la céder. Le groupe italien Pirelli, un moment pressenti, n'a pas confirmé.
Antonin Sabot
Source Le Monde.fr